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Sonde

9 avril 2019

Ecriture, lecture : réciprocité et asymétrie

Depuis que j'aligne les mots en encre ou en pensée, j'ai toujours conçu les deux activités comme réciproque et symétrique. Si l'écrivain écrit, c'est pour être lu (reconnaissance), et si le lecteur lit, c'est pour connaitre la pensée de l'écrivain (connaissance). D'ailleurs, de ceux qui n'écrivent pas pour être lu, qu'en dire? Stephen King rapportait cela dans une interview : "j'écris pour être lu", comme s'il n'envisageait pas d'autre façon de faire.

J'ai toujours ambitionné l'écriture, la cadrant naturellement dans cette optique, puisqu'il semblait être le seul sillon déjà tracé.
Mais jamais je ne parvenais à aligner les mots correctement pour ciseler finement la pierre telle que je la désirais, toujours les spectres du perfectionnisme et de la comparaison venaient me hanter. Quelques textes surgirent de soirées d'ivresse et de désespoir.
Mis à part quelques-uns, ils n'avaient pas pour vertu d'être lisible ; ils existaient bien au contraire pour être caché, dissimulés à l'autre.

Ce n'est que récemment qu'une autre perspective m'est venue.

Bruno Latour décrivait son adolescence et la construction de sa pensée par l'écriture.
J'ai simplement constaté à quel point il avait raison.
En mettant au premier plan le lecteur, j'occultais la vraie force qui me poussait à écrire.
J'écris pour moi avant tout, pour confronter le fil de ma pensée au papier, éprouver la lisibilité du fil conducteur.
Ce n'est pas l'écrit qui doit se partager, mais bien la pensée. L'écrit n'est qu'un intermédiaire, faute de mieux.

La tentation d'écrire d'abord pour les autres est légitime pourtant, je ne prétend pas abolir cette approche. Chacun est différent, et il n'y a pas plus intime qu'écrire.
D'autant plus dans une réalité où les spécificités que doit faire valoir l'homme sont sans arrêt plus limitées. L'idée du métier d'écrivain est rassurante, tout comme celle du créateur pur ; ne vivre qu'à partir de son esprit, n'avoir de compte à rendre à personne d'autre (si ce n'est de ses lecteurs, mais il peut, au pire, en changer. La popularité ne fait pas la félicité d'un argument).

J'ai cependant mis en exergue que le véritable égo(t)isme, c'est d'écrire avant tout pour être lu - en opposition à écrire pour affuter sa pensée.
Car il n'y a pas d'échange sans réciprocité : mon texte contre mon confort de vie. Et c'est tout à fait légitime.

Mais ce que je recherche, moi, c'est le partage, et j'applique l'exigence d'idées suffisament abouties pour pouvoir être présentées sur l'agora, que ce soir à l'oral ou à l'écrit.

Eviter ainsi les lieux communs des conversations mornes ; remettre une étincelle d'inattendu, de création, dans toutes les opportunités d'échange.

Le collectif ne se fera que si chacun est suffisamment rigoureux vis à vis de sa participation. (Mal?)Heureusement, on n'imposera à personne de s'y conformer. C'est un espoir d'ermite, naïf, de s'astreindre à une rigueur personnelle sans en attendre autant du reste du collectif. Cette force qui nous permet de continuer, c'est l'espoir, l'attente de la maturité. Naïf, illusoire, mais à tous ceux qui prétendent vouloir fixer, figer l'avenir, je leur conseillerai de se défaire de leur propre manteau d'illusions avant de s'asseoir à ma table.

Nul ne sait de quoi l'avenir sera fait ; l'incertitude est heureuse. Voilà bien une rivalité commode et infinie : toujours repousser l'injustice, jamais déprécier l'incertitude.

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